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2 décembre 2022 5 02 /12 /décembre /2022 15:59

Monsieur l’Ambassadeur, Madame la Sénatrice, Chère Lesya, Chers membres de l’association « Perspectives ukrainiennes », Chers collègues, Chers amis.

Je suis très honorée de recevoir le prix « Nathalie Pasternak » décerné par l’association « Perspectives ukrainiennes ». Je remercie vivement les membres du jury d’avoir choisi mon ouvrage « L’Ukraine. De l’indépendance à la guerre » paru aux éditions Le Cavalier bleu en 2021. J’en profite ici pour remercier très vivement mes éditrices, ici présentes, Anne-Laure Marsaleix et Marie-Laurence Dubray, qui m’ont rapidement fait confiance sur ce projet, qui m’ont accompagnée tout au long de l’écriture et, bien sûr, depuis la parution du livre, trois mois avant le début de l’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine.

Je suis également très honorée d’être, à cette occasion, au côté des précédents lauréats, toutes ces personnes qui ont également œuvré pour la promotion de la connaissance de l’Ukraine en France. Mon regard se tourne notamment vers de veilles connaissances comme Philippe de Suremain, Alain Guillemoles ou Galia Ackerman même si Galia n’est pas avec nous ce soir. Je souhaite aussi ici rendre hommage à Nathalie Pasternak, présidente du Comité Représentatif de la Communauté Ukrainienne de France de 2004 à 2016 qui a œuvré sans relâche pour faire connaître l’Ukraine en France et pour alerter sur la menace militaire russe dès l’annexion de la Crimée en mars 2014.

Ce prix m’est particulièrement cher parce qu’il consacre un travail de plus de 25 ans sur l’Ukraine où je me suis rendue pour la première fois à l’été 1996 pour un stage à la délégation de l’Union européenne à Kiev. Ce prix me donne ainsi l’opportunité, si vous le permettez et relativement brièvement, de revenir sur mon parcours et ma relation à l’Ukraine qui s’est avérée de plus en plus intense. Quelques semaines après ce stage, j’entame une thèse à Sciences po Paris sur les mouvements nationaux à la fin de l’URSS en Ukraine et en Biélorussie, mouvements nationaux appelés fronts populaires et connus sous le nom de Roukh pour l’Ukraine. A cette époque, je dois dire que ces deux pays ne suscitaient pas un grand intérêt parce que le grand pays, le plus prestigieux était la Russie. Tout cela n’a pas ébranlé ma curiosité, y compris pour des raisons familiales, et je me suis attachée justement à comprendre l’Ukraine de l’intérieur et non de l’extérieur comme beaucoup le font y compris aujourd’hui. Je me souviens des journalistes qui venaient à Kiev pour un événement, pour quelques jours de Moscou ou de Varsovie, et auxquels j’expliquais la nécessité de suivre les médias ukrainiens qui montreraient une toute réalité que les médias russes ou polonais. Ils avaient du mal à comprendre que la Russie était devenue un sujet de politique étrangère en Ukraine et que le pays disposait de son propre espace politique, médiatique, économique, social et culturel.

Après la soutenance de ma thèse à Sciences po Paris en 2001, j’ai continué à travailler sur la transformation politique et la construction nationale en Ukraine. J’ai aussi observé et été marquée par les grands événements politiques dans ce pays à partir du début des années 2000. En 2004, je suis partie sur Maïdan une semaine après le début de la Révolution orange où j’ai assisté en direct à l’invalidation des résultats du second tour. Cet événement donne une visibilité à l’Ukraine et participe, sans doute, à mon recrutement à l’université de Bourgogne en 2005. En 2014, je me suis également rendu sur Maïdan quelques semaines après le début du mouvement de protestation contre la suspension de la signature de l’accord d’association avec l’Union européenne alors que la contestation devenait de plus en plus insurrectionnelle en raison la répression policière. Entre mes voyages en Ukraine, je participais à des émissions dans les médias pour parler de ce mouvement qui était souvent présenté de manière caricaturale par des experts qui ne l’avaient pas observé in situ et qui pouvaient reprendre la lecture du Kremlin visant notamment à amplifier le rôle de l’extrême-droite.

2014 marque un tournant pour l’Ukraine mais aussi une changement dans mes recherches. Avant Maïdan, j’avais entamé un travail sur la mémoire des villages brûlés par les Nazis pendant la Seconde guerre mondiale. Je suis allée dans certains d’entre eux dont Korioukivka dans la région de Tchernihiv. Mais, après l’annexion de la Crimée et le début de la guerre dans l’est du pays, je décide d’aller dans le Donbass sous administration ukrainienne et notamment dans la ville de Sloviansk où je me rends de 2015 à 2021. Je rencontre à cette occasion des Ukrainiens qui, comme moi, cherchent à comprendre le Donbass et y découvrent son hétérogénéité qui contraste avec l’image d’une région homogénéisée par la propagande soviétique puis russe autour de l’industrie et de la russophonie. Je discute également avec des habitants du Donbass qui s’interrogent sur leur propre identité et ont soif de connaissances sur l’histoire de leurs villes d’avant la période soviétique qui a souvent été gommée des manuels d’histoire et de l’espace public. J’assite aussi à des commémorations liées à la guerre en cours et entreprend de travailler sur la mémorialisation de celle-ci et de ses analogies avec celle de la Seconde guerre mondiale.

L’ouvrage auquel ce prix est décerné est le fruit de toutes ces recherches mais également celui d’un enseignement sur l’Ukraine sur le campus de Sciences po Paris à Dijon et auquel une trentaine d’étudiants assistent tous les ans depuis 2014. Si l’idée de l’ouvrage apparaît rapidement après Maïdan, ces années d’enseignement m’ont permis de discerner, de manière plus visible, les idées reçues sur le pays, celles qui très tenaces avaient du mal à se dissiper et que j’ai voulu décortiquer dans un ouvrage pour que mes analyses soient accessibles au plus grand nombre. L’ouvrage paraît en novembre 2021 lorsque les services de renseignement américains alertent sur une possible invasion russe de l’Ukraine. Et beaucoup me diront après qu’il était prémonitoire parce que le mot « guerre » était rarement utilisé dans les années 2019-2021. On préférait l’expression « crise ukrainienne » qu’on entend encore parfois comme si le mot « guerre » était exagéré et jetait une ombre au tableau. Et pourtant, lorsque j’étais dans le Donbass, j’observais une guerre bien présente : des tranchées, des bombardements quotidiens, des soldats morts presque toutes les semaines.

Le 24 février 2022 marque une nouvelle transformation dans ma relation à l’Ukraine. L’Ukraine ne me quitte plus puisque j’y pense tout le temps, ou presque, que j’informe sans cesse sur ce pays et parce qu’une tristesse sourde et profonde s’est installée en moi. Mais je suis aussi portée par l’élan patriotique ukrainien et très admirative de l’effort de guerre, militaire et civil. J’ai pu observer une initiative bénévole d’aide médical aux soldats dans la région de Lviv lors de mon premier voyage après l’invasion fin avril/début mai et j’ai été frappée, comme au moment de Maïdan et dans les années qui suivirent par l’inventivité et la détermination des Ukrainiens à transformer leur pays et à exprimer de multiples formes d’entre-aide et de solidarité. J’ai aussi poursuivi mes recherches sur la mémorialisation et la muséification de la guerre en allant visiter une exposition sur la guerre en cours au musée de la Seconde guerre mondiale à Kiev au début du mois de novembre. J’ai mené des entretiens avec des directeurs de musée pour mieux comprendre quelles étaient leurs représentations de la guerre mais aussi comment la guerre avait transformé leurs activités professionnelles. Une recherche qui bien que tragique n’en est pas moins très enrichissante. J’essaye, à ma manière et par cette recherche, d’accompagner l’Ukraine dans ce moment difficile.

Cet ouvrage représente ainsi pour moi une sorte d’hommage à l’Ukraine parce que ce pays m’a non seulement enrichie personnellement mais il a enrichi mes recherches et je pense celles de nombreux de mes collègues. Ce livre m’a soutenu, m’a accompagné depuis le début de l’invasion et je suis sûre qu’il continuera à le faire dans les prochains mois. C’est aussi pour cela que je suis fière que le prix « Nathalie Pasternak » lui soit décerné et qu’il s’inscrive ainsi de plein pied dans les études ukrainiennes en France.

Merci pour votre attention et pour votre soutien.                                          

Paris, le 28/11/2022

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16 juin 2019 7 16 /06 /juin /2019 22:31

Le 13 juin 2019, l’association Perspectives Ukrainiennes a remis le prix Nathalie PASTERNAK 2019 à Hélène BLANC, chercheuse, historienne, politologue, pour l’ensemble de son oeuvre.


La cérémonie a eu lieu au Sénat présidé par le sénateur Hervé MAUREY. Depuis plusieurs années le groupe d’amitié France-Ukraine s’associe à cette mise en lumière des personnalités françaises qui contribuent à la connaissance de l’Ukraine en France. 


La cérémonie a débuté avec un discours de Monsieur le sénateur, qui a salué la lauréate et a rendu hommage à son travail de longue date. Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur d’Ukraine Oleg SHAMSHUR a ensuite pris la parole pour féliciter Hélène Blanc et noter le rôle essentiel qu’elle a joué pour faire éclore la vérité sur la véritable nature des pouvoirs russes. L’Union des ukrainiens de France, représentée par Madame Annick BILOBRAN, s’est réjouie du prix Nathalie PASTERNAK comme de la marque de gratitude des ukrainiens de France envers une auteure du livre "L'Ukraine au coeur" .


La présidente de l’association Perspectives Ukrainiennes, Lessya  DARRICAU-DMYTRENKO a clôturé la cérémonie avec son discours et la remise du diplôme à la lauréate. L’évènement a réuni des élus, des membres de la société civile, des journalistes ainsi que des anciens lauréats.


 

Biographie d'Hélène BLANC

Discours d'Annick BILOBRAN, Union des Ukrainiens de France

Discours de Lessya DARRICAU-DMYTRENKO, Perspectives ukrainiennes

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