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8 décembre 2023 5 08 /12 /décembre /2023 09:23

Madame la Sénatrice,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur l’Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Cher Xavier,

“Un avion symbolise la liberté, la joie, la possibilité de comprendre. 
Ces symboles sont éternels.”

J'ai la conviction que cette citation de Richard Bach, qui invite à prendre de la hauteur, tant physiquement que spirituellement, pourrait être votre devise.
Ce qui donne de la hauteur à la condition humaine, c’est être éclairé par une conscience, être animé par des idéaux qui dépassent la défense de ses simples intérêts personnels.

Cher Xavier, c'est pétri d'humanisme et d'espoir, en vous élevant au-delà des réalités partisanes, que vous vous êtes engagés aux côtés des Ukrainiens.
Au fil de vos rencontres, vous êtes parvenu à sonder l’âme de ce peuple multiséculaire et à vous imprégner de son identité profonde.
Vous avez compris que, de tous temps, l’aspiration de l'Ukraine a été de s'émanciper de la domination de Moscou pour bâtir un Etat libre, souverain et démocratique.

C’était le rêve de ceux qui ont proclamé l’indépendance de l’Ukraine en 1991, lorsque vous n'aviez qu'une dizaine d'années, de ceux qui ont mené la Révolution orange et la Révolution de la dignité, de ceux qui ont bravé le gel et les tirs sur la place Maïdan et des Cent célestes qui y ont péri, et de ceux qui continuent de combattre les efforts déployés par le Kremlin pour asservir la Nation ukrainienne !

C’est cet idéal de Liberté qui éclaire les combattants ukrainiens plongés dans la noirceur de la guerre. 
Déployés sur un front immense, ils luttent jour et nuit pour défendre leur pays et forger sa grandeur.

Dès les premiers jours de la guerre d'agression que la Russie a lancée contre l'Ukraine, les troupes russes ont commis des crimes contre l’humanité.  Ils ont pris pour cibles les civils, leur infligeant la mort et la destruction.  Ils ont utilisé le viol comme une arme de guerre.  Ils ont volé des enfants ukrainiens pour tenter de voler son avenir à l’Ukraine. Ils ont bombardé des gares, des écoles, des hôpitaux, des maternités, des orphelinats…

Ainsi que vous l'avez exprimé, Xavier, personne ne peut détourner le regard des atrocités que la Russie a commis et continue de commettre contre le peuple ukrainien.
Nous savons la profondeur de vos analyses et la pertinence de vos interventions médiatiques. Mais surtout nous ne saurions ignorer votre implication sur le terrain au plus proche des lignes de front.
En aidant l’Ukraine, vous accomplissez avec générosité un devoir de solidarité et d’humanité, vous participez à la défense des principes essentiels de non-agression, d’intégrité territoriale, de souveraineté et de règlement pacifique des différends, consacrés par la Charte des Nations unies.

Cher Xavier, c’est en reconnaissance de tout ce que vous donnez, et de l’Humanisme qui vous anime, qu’au nom de Perspectives Ukrainiennes je vous remets le Prix Nathalie Pasternak 2023-2024.
 

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5 décembre 2023 2 05 /12 /décembre /2023 22:52
5 questions à Xavier Tytelman, lauréat du Prix Nathalie Pasternak 2023-2024

    1. En 1731 Voltaire écrivait "L'Ukraine a toujours aspiré à être libre", que vous inspire cette citation ?

« L’Ukraine a toujours aspiré d’être libre » - c’est hautement dramatique mais une réalité. Il s’agit d’un peuple qui a une incroyable résilience. Ça fait des siècles et des siècles que les Ukrainiens sont sous la coupe d’autres nations et qu’ils ont réussi à maintenir malgré tout leur identité et leur culture malgré les dames. La résistance et la persévérance sont inhérente à la culture ukrainienne.

Je me souviens de mes cours des relations internationales dans lequel on donnait l’exemple du peuple ukrainien qui, malgré les drames successifs, toujours orchestrées par la Russie depuis des siècles, a réussi à exister, à être grande et pu obtenir sa Liberté.

On peut regretter les périodes pendant lesquelles l’Ukraine aurait pu s’émanciper, par exemple à l’époque napoléonienne. Quand Napoléon a voulu aider l’Ukraine à être libre sur le modèle de ce qu’il avait fait pour la Pologne, les élites ukrainiennes corrompues et pro-russes n’ont pas suivi l’aspiration du peuple. Peuple de guerriers d’élite dont la réputation s’est forgée par des siècles de luttes.

Tout homme, tout humain, a une aspiration à la grandeur, une aspiration à la liberté, une envie de participer à un projet qui le dépasse, cela donne la force de se battre pour faire vivre ces valeurs. Les ukrainiens ont profondément en eux cette soif de liberté qui s’est forgée dans la douleur et dans la souffrance, et ils l’ont gagné en 1991.

Mais la vraie guerre d’indépendance, c’est bien aujourd’hui qu’ils la mènent et il faut s’engager pour les soutenir dans cette guerre, puisqu’elle survient aussi par notre faute. S’ils n’ont pas les armes qui auraient fait renoncer la Russie, c’est à cause des traités signés et qui nous engageaient, notamment le Mémorandum de Budapest qui a amené l’Ukraine à rendre ses armes nucléaires en échange de notre protection. Nous avons financé le démantèlement de l’arsenal militaire ukrainien conventionnel et nucléaire, c’est donc de notre faute s’ils n’ont pas les armes nécessaires pour se battre aujourd’hui. Cette aspiration pour la liberté existe aujourd’hui plus que jamais, réparons cette injustice et donnons aux Ukrainiens le matériel nécessaire pour que cette guerre d’indépendance soit la dernière.


    2. A quel moment vous êtes-vous senti concerné par le destin de l'Ukraine et des Ukrainiens ?

En 2014 j’ai commencé à m’intéresser à la question ukrainienne notamment suite à la tragédie du vol de MH17 qui a été abattu à l’est de l’Ukraine par les russes. Il y a eu une grande enquête internationale basée sur l’Open Source Intelligence à laquelle j’ai participé à mon niveau, en contribuant à la collecte des données disponibles en ligne. Je faisais les analyses techniques pour tenter de comprendre, et des contre-analyses pour essayer de démonter le storytelling russe. A cette époque, mon blog était uniquement consacré aux dimensions techniques de cet accident, et il a acquis une petite notoriété au point de voir mes analyses partagées par l’ambassade d’Ukraine ou d’être invité à expliquer la situation dans les médias. Mon implication pour l’Ukraine remonte donc à 2014.

Par la suite, outre la tristesse de voir le pays se faire démanteler et mon regret de constater que la Russie glissait vers le statut d’État totalitaire, je n’étais pas particulièrement impliqué sur le sujet. J’ai recommencé à m’y intéresser à nouveau lorsque le risque de voir une guerre conventionnelle majeure revenir sur le territoire européen, en avril 2021.

Fin 2021, j’avais notamment fait des interventions expliquant qu’il fallait qu’on se positionne, nous les Occidentaux, pour être cohérents avec ces accords historiques de protection qui nous engageaient. Il fallait qu’on positionne 100 avions de chasse, 200 chars, parce que les russes ne nous auraient pas roulé dessus à cette époque. C’est exactement le contraire que nos politiques ont fait : ils ont annoncé qu’ils allaient se retirer afin de ne pas faire face à face à la Russie, ils ont évacué les ambassades, et cela a été perçu comme un signe de faiblesse et une autorisation par les russes. Je n’étais qu’un simple analyste, je faisais des vidéos et des lives sur ma chaîne Youtube, j’avais fait une analyse technique pour détailler les scénarios d’une attaque russe et des raisons pour lesquelles ça se passerait mal pour eux... Cette vidéo prémonitoire a eu beaucoup de succès, malheureusement.

Au début, ma position vis-à-vis de l’Ukraine était simple : j’ai réagi de la même que si la Grèce était attaquée par la Turquie, l’Espagne par le Maroc, ou Chypre par la Libye. Des choses improbables évidemment, mais j’aurais traité ces sujets de la même manière. La réalité est évidemment devenue toute autre, mon engagement est devenu exponentiel avec la découverte de l’Ukraine et des Ukrainiens. Parce que quand on s’intéresse à l’histoire de ce pays, quand on s’attache à sa population, quand on vient sur place et que l’on constate cette volonté, cette soif de liberté, cette gentillesse profonde, la beauté du pays, absolument tout nous attire et nous donne envie d’encore mieux le connaître. J’ai pourtant énormément voyagé, mais l’Ukraine est à part, c’est un pays dans lequel on se sent forcement à sa place, par ces valeurs portées par toute la population, la cohésion qui existe, des gens qui marchent tous dans le même sens vers un objectif clair, c’est propre et net, on a envie d’aimer ce pays.

Un dernier point, une notion malheureusement invisible pour de nombreux Français, c’est que nous sommes tous concernés par cette guerre que la Russie impérialiste nous mène.

Au début, l’Ukraine n’était qu’un pays européen comme un autre injustement attaqué et qui avait le malheur d’être en première ligne, mais cette réalité du terrain et mon attachement croissant au peuple ukrainien ont finalement fait la différence. Cela donne envie de s’engager autant que nécessaire.


 
    3. Dans quelle mesure la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine a-t-elle changé votre vision du monde ?

Je fais partie de ce qu’on appelle le camp souverainiste, patriote, indépendant, qui pense qu’il faut un État fort avec un président capable de faire passer les intérêts de son peuple avant toute considération, qu’elle soit diplomatique, économique ou politique. Il faut se battre pour la souveraineté nationale, pour obtenir une indépendance stratégique, ce sont des choses en lesquelles je croyais beaucoup. Comme beaucoup de personnes, je voyais un Vladimir Poutine qui donnait l’impression de se battre avant tout pour son peuple. C’est à partir de 2008, avec la guerre contre la Géorgie, que l’on s’est rendu compte que l’impérialisme était son moteur premier et non pas par une volonté d’avoir un peuple souverain, autonome, et heureux. Ce constat n’a été que confirmé par l’invasion de 2014 avec la remise en cause des frontières ukrainiennes, puis de 2022. Il ne se bat évidemment pas pour le bonheur de son peuple, c’est de l’impérialisme pur et Vladimir Poutine est un dictateur qui croit s’inscrire dans les pas de ses prédécesseurs, eux aussi criminels.

Il n’y a donc absolument aucun doute : cette guerre a changé ma vision de la Russie, mais je continuais à intervenir dans les médias russes par principe, car je crois qu’il faut parler absolument à tout le monde, expliquer la situation à des gens déjà captifs de ce storytelling russe. Et les russes ont continué à m’interroger jusqu’à 2022…

Aujourd’hui, chaque jour qui passe ne fait que confirmer que l’on se trouve face à un nouveau fascisme, avec un peuple, un territoire et un chef. On est revenu à ce qui a été la doctrine nazie avant la Seconde guerre mondiale : un peuple slave fantasmé se trouvant dans et hors des frontières de la Russie, une langue russe qui unirait tous ces peuples (un argument au combe de la bêtise, cela revient à considérer que la France devrait annexer la Suisse, la Belgique et le Canada…), et un leader. Les faits ne font malheureusement que confirmer ces craintes, l’histoire se répète.

Pendant très longtemps la Russie a réussi à passer entre les gouttes parce que nous regardions ailleurs, avec un storytelling national qui passait bien. Sauf qu’aujourd’hui, elle nous fait la guerre. Elle nous fait la guerre militairement via l’Ukraine, mais elle nous fait la guerre de nombreuses autres manières, elle organise l’inflation des prix, elle réalise des attaques informatiques, elle renverse des gouvernements alliés, elle organise le flux de migration vers l’Europe, elle organise une propagande anti-française partout, elle utilise tous les leviers disponibles pour nous nuire. Il s’agit d’une vraie guerre hybride et on ne peut pas rester les bras ballants à regardant la Russie nous attaquer et s’en prendre à l’Ukraine pour la dépecer alors qu’il s’agit d’un pays européen qui a une vocation à être encore plus proche de nous. L’Ukraine est la première pièce d’un domino, si elle tombe on observera un enchaînement interminable de crises similaires en Géorgie, en Moldavie, dans les Pays-Baltes ou la Pologne… Et si la Russie montre à tous les régimes autoritaires du monde qu’elle peut obtenir gain de cause par la force, alors ce sera comme l’ouverture d’une boite de Pandore : la Chine tentera d’envahir Taïwan, la Turquie s’en prendra aux îles grecques, le Pakistan attaquera le Cachemire, le Venezuela annexera le Guyana…


4 - Quel regard portez-vous sur l'aviation ukrainienne ? Quel rôle est elle susceptible de jouer dans les prochains mois ?

En tant que passionné d’aviation, ancien aviateur militaire et puis en travaillant chez Air & Cosmos, j’ai un regard particulier sur la dimension aérienne du conflit et je résumerais ma pensée en une simple phrase : il est parfaitement anormal que l’aviation ukrainienne existe encore. On attend d’un pays qui tente une invasion de cette ampleur qu’il détruise tous les moyens aériens de sa proie dans la demi-heure qui suit le début des hostilités. Les pistes aériennes auraient dû être détruites, les hangars bombardés, les avions ukrainiens interceptés ou réduits en cendres...

Et la bonne surprise c’est que le matériel russe n’était pas au niveau que l’on avait tous pensé. Les russes mettaient énormément en avant leur matériel, et quand nous réduisant l’efficacité de nos armes pour ne pas dévoiler notre potentiel réel, les Russes avaient au contraire tendance à accroître les caractéristiques techniques de leurs matériels pour nous impressionner. Jusqu’au jour où l’on peut constater la réalité…

Cette aviation ukrainienne a donc eu un effet absolument stratégique dans le sens où, jour après jour, il y a des dizaines et dizaines d’avions de chasse qui décollent et réalisent les missions. Dans un premier temps, il ne s’agissait que de missions basiques, avec du matériel soviétique à peine modernisé, puisque les Ukrainiens avaient une flotte faible en volume et en capacité en comparaison avec nos standards ou le potentiel théorique russe. Mais l’efficacité de cette aviation et sa capacité à conduire des missions efficaces a largement surpassé nos attentes : bombardements jusque sur le territoire russe, attaque des colonnes de blindés ennemis, soutien des troupes amies, combats aériens… Puis, petit à petit, l’Ukraine a reçu des avions de leurs alliés, de la Bulgarie avec quelques Soukhoy-25, de la Pologne avec des MIG-29, des avions soviétiques mais modernisés.

Dans le deuxième temps, la grande montée en puissance a été rendue possible par l’intégration des missiles venant des pays occidentaux. Les missiles de croisière SCALP de France, les missiles AGM88 américains qui permettent de remonter jusqu’à la source de l’émission d’un radar pour détruire un système de défense aérien ennemie, des bombes planantes pouvant toucher une cible à 70 km de distance...  

La capacité opérationnelle de l’aviation ukrainienne couvre donc aujourd’hui un spectre beaucoup plus large que ce qu’on imaginait un an plus tôt, et cette capacité d’innovation ou à prendre des risques a été payante, avec cette survivabilité inattendue qui ouvre aujourd’hui de nouvelles perspectives.

La montée en puissance observée avec l’arrivée de nouveaux appareils et de nouveaux missiles va être couronné par l’arrivée des F16 que l’on attend pour le 1er trimestre 2024. Cela devrait avoir un effet colossal puisque ces avions permettront de mieux protéger le territoire, en interceptant les missiles ou en empêchant les avions de chasse russes s’approcher à distance auxquelles ils font des bombardements. Ils permettront de lancer de nouveau type de bombes et de missiles, avec de la lutte anti-navires, une variété de missiles et de bombes bien plus étendue… La montée en puissance dépasse tout ce dont on pouvait rêver avant la guerre, et l’on ne peut que regretter le faible volume d’appareils transférés ou la lenteur pour atteindre ce résultat.

Mais c’est néanmoins cela qui est extraordinaire avec l’Ukraine, c’est cette montée en puissance dans tous les domaines. Que ce soit en Mer Noire reconquise à coups de drones navals kamikazes, pour ses opérations au sol augmentée par les drones volants, pour l’aviation qui a été capable de survivre et s’adapter, pour ses missiles qui frappent jusqu’à Moscou... Cela démontre une fois que plus que l’Ukraine garde cette volonté qui ne se démord pas, dans toutes les domaines sans exception. C’est cela qui est extraordinaire.  

 

5 - Comment voyez vous l'évolution du conflit et quelles perspectives de résolution entrevoyez-vous ?

On ne peut que constater que le bloc des pays soutenant l’Ukraine est gigantesque, il va de la Corée du Sud au Maroc, en passant par les États-Unis, toute l’Europe, Taïwan, l’Azerbaïdjan, le Pakistan, beaucoup de pays… Mais l’aide a été lente à venir et en quantité homéopathiques.

Si on avait fourni à l’Ukraine tout ce qu’on avait donné par la suite, et bien la contre-offensive victorieuse ukrainienne de l’automne 2022 aurait été jusqu’au bout, jusqu’à l’effondrement de l’armée russe. On aurait déjà obtenu cette victoire et il y aurait eu moins de morts dans les deux camps. En donnant plus et plus rapidement, on serait déjà en paix, l’Ukraine serait déjà libérée, on aurait sauvé des milliers et des milliers de vies, et malheureusement on s’est installé dans un rythme qui permet aux Ukrainiens de survivre en subissant des pertes lourdes et en faisant subir des pertes encore plus importants aux russes, mais cela n’est pas suffisamment pour atteindre le sursaut qui permettrait d’obtenir la victoire décisive permettant d’aboutir à des négociations favorables à l’Ukraine.

Aujourd’hui, l’Ukraine arrive à compenser la baisse du soutien de ses alliés par une monté en puissance industrielle. Au lieu de fournir des blindés, des accords ont été signés avec l’Allemagne, la Suède et la Grande Bretagne afin de produire localement. Quand on fournit moins d’obus, l’Ukraine produit plus de drones kamikazes et il vaut mieux avoir mille drones kamikazes que 5 000 obus pour détruire des véhicules. Si on a peut avoir l’impression que l’on fournit moins de matériels, cela ne signifie pas une baisse du potentiel opérationnel.

Le plus important, c’est de comprendre que la montée en puissance ukrainienne n’est pas terminée, le problème étant que la Russie fait les mêmes efforts. L’espoir repose sur les armes stratégiques, les missiles à longue portée n’étaient que le début, cela va s’intensifier avec la démultiplication des ATACMS, l’arrivée des F16, la livraison des nouvelles bombe planante GLSDB… On peut ainsi espérer un effondrement local de la logistique russe, permettant de refaire bouger les lignes, mais je peux aujourd’hui qu’espérer un réveil franc des alliés de l’Ukraine. Si on avait réellement toute l’industrie de 40 pays les plus puissants du monde qui se mettaient tous ensemble à produire réellement, l’Ukraine aurait eu mille fois les moyens de gagner cette guerre. Si les USA cherchaient réellement dans leurs stocks, ils auraient d’ailleurs les moyens à eux seuls. Ils ont 8 000 chars dont 3000 dans les réserves et ils n’en ont fourni que 30. Il y a de la réserve dans notre camp, il y en a énormément, il faut juste se permettre d’aller jusqu’au bout de notre engagement et être à la hauteur des paroles prononcées depuis février 2022.

Aujourd’hui, il faut donc évangéliser en faveur de l’Ukraine, il faut expliquer comment cette guerre est gagnable, pourquoi la Russie doit être arrêtée, pourquoi une guerre impérialiste et à vocation génocidaire ne doit pas pouvoir être gagnée. Si l’avenir est moins souriant qu’il y a un an, il ne faut pas sombrer dans le pessimisme, il y a des souffrances et il y en aura encore beaucoup malheureusement. Mais cette guerre sera victorieuse et nous devons nous engager en ce sens, pour le peuple ukrainien et pour nous.

Propos recueillis par Olga Gerasymenko

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2 décembre 2022 5 02 /12 /décembre /2022 15:59

Monsieur l’Ambassadeur, Madame la Sénatrice, Chère Lesya, Chers membres de l’association « Perspectives ukrainiennes », Chers collègues, Chers amis.

Je suis très honorée de recevoir le prix « Nathalie Pasternak » décerné par l’association « Perspectives ukrainiennes ». Je remercie vivement les membres du jury d’avoir choisi mon ouvrage « L’Ukraine. De l’indépendance à la guerre » paru aux éditions Le Cavalier bleu en 2021. J’en profite ici pour remercier très vivement mes éditrices, ici présentes, Anne-Laure Marsaleix et Marie-Laurence Dubray, qui m’ont rapidement fait confiance sur ce projet, qui m’ont accompagnée tout au long de l’écriture et, bien sûr, depuis la parution du livre, trois mois avant le début de l’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine.

Je suis également très honorée d’être, à cette occasion, au côté des précédents lauréats, toutes ces personnes qui ont également œuvré pour la promotion de la connaissance de l’Ukraine en France. Mon regard se tourne notamment vers de veilles connaissances comme Philippe de Suremain, Alain Guillemoles ou Galia Ackerman même si Galia n’est pas avec nous ce soir. Je souhaite aussi ici rendre hommage à Nathalie Pasternak, présidente du Comité Représentatif de la Communauté Ukrainienne de France de 2004 à 2016 qui a œuvré sans relâche pour faire connaître l’Ukraine en France et pour alerter sur la menace militaire russe dès l’annexion de la Crimée en mars 2014.

Ce prix m’est particulièrement cher parce qu’il consacre un travail de plus de 25 ans sur l’Ukraine où je me suis rendue pour la première fois à l’été 1996 pour un stage à la délégation de l’Union européenne à Kiev. Ce prix me donne ainsi l’opportunité, si vous le permettez et relativement brièvement, de revenir sur mon parcours et ma relation à l’Ukraine qui s’est avérée de plus en plus intense. Quelques semaines après ce stage, j’entame une thèse à Sciences po Paris sur les mouvements nationaux à la fin de l’URSS en Ukraine et en Biélorussie, mouvements nationaux appelés fronts populaires et connus sous le nom de Roukh pour l’Ukraine. A cette époque, je dois dire que ces deux pays ne suscitaient pas un grand intérêt parce que le grand pays, le plus prestigieux était la Russie. Tout cela n’a pas ébranlé ma curiosité, y compris pour des raisons familiales, et je me suis attachée justement à comprendre l’Ukraine de l’intérieur et non de l’extérieur comme beaucoup le font y compris aujourd’hui. Je me souviens des journalistes qui venaient à Kiev pour un événement, pour quelques jours de Moscou ou de Varsovie, et auxquels j’expliquais la nécessité de suivre les médias ukrainiens qui montreraient une toute réalité que les médias russes ou polonais. Ils avaient du mal à comprendre que la Russie était devenue un sujet de politique étrangère en Ukraine et que le pays disposait de son propre espace politique, médiatique, économique, social et culturel.

Après la soutenance de ma thèse à Sciences po Paris en 2001, j’ai continué à travailler sur la transformation politique et la construction nationale en Ukraine. J’ai aussi observé et été marquée par les grands événements politiques dans ce pays à partir du début des années 2000. En 2004, je suis partie sur Maïdan une semaine après le début de la Révolution orange où j’ai assisté en direct à l’invalidation des résultats du second tour. Cet événement donne une visibilité à l’Ukraine et participe, sans doute, à mon recrutement à l’université de Bourgogne en 2005. En 2014, je me suis également rendu sur Maïdan quelques semaines après le début du mouvement de protestation contre la suspension de la signature de l’accord d’association avec l’Union européenne alors que la contestation devenait de plus en plus insurrectionnelle en raison la répression policière. Entre mes voyages en Ukraine, je participais à des émissions dans les médias pour parler de ce mouvement qui était souvent présenté de manière caricaturale par des experts qui ne l’avaient pas observé in situ et qui pouvaient reprendre la lecture du Kremlin visant notamment à amplifier le rôle de l’extrême-droite.

2014 marque un tournant pour l’Ukraine mais aussi une changement dans mes recherches. Avant Maïdan, j’avais entamé un travail sur la mémoire des villages brûlés par les Nazis pendant la Seconde guerre mondiale. Je suis allée dans certains d’entre eux dont Korioukivka dans la région de Tchernihiv. Mais, après l’annexion de la Crimée et le début de la guerre dans l’est du pays, je décide d’aller dans le Donbass sous administration ukrainienne et notamment dans la ville de Sloviansk où je me rends de 2015 à 2021. Je rencontre à cette occasion des Ukrainiens qui, comme moi, cherchent à comprendre le Donbass et y découvrent son hétérogénéité qui contraste avec l’image d’une région homogénéisée par la propagande soviétique puis russe autour de l’industrie et de la russophonie. Je discute également avec des habitants du Donbass qui s’interrogent sur leur propre identité et ont soif de connaissances sur l’histoire de leurs villes d’avant la période soviétique qui a souvent été gommée des manuels d’histoire et de l’espace public. J’assite aussi à des commémorations liées à la guerre en cours et entreprend de travailler sur la mémorialisation de celle-ci et de ses analogies avec celle de la Seconde guerre mondiale.

L’ouvrage auquel ce prix est décerné est le fruit de toutes ces recherches mais également celui d’un enseignement sur l’Ukraine sur le campus de Sciences po Paris à Dijon et auquel une trentaine d’étudiants assistent tous les ans depuis 2014. Si l’idée de l’ouvrage apparaît rapidement après Maïdan, ces années d’enseignement m’ont permis de discerner, de manière plus visible, les idées reçues sur le pays, celles qui très tenaces avaient du mal à se dissiper et que j’ai voulu décortiquer dans un ouvrage pour que mes analyses soient accessibles au plus grand nombre. L’ouvrage paraît en novembre 2021 lorsque les services de renseignement américains alertent sur une possible invasion russe de l’Ukraine. Et beaucoup me diront après qu’il était prémonitoire parce que le mot « guerre » était rarement utilisé dans les années 2019-2021. On préférait l’expression « crise ukrainienne » qu’on entend encore parfois comme si le mot « guerre » était exagéré et jetait une ombre au tableau. Et pourtant, lorsque j’étais dans le Donbass, j’observais une guerre bien présente : des tranchées, des bombardements quotidiens, des soldats morts presque toutes les semaines.

Le 24 février 2022 marque une nouvelle transformation dans ma relation à l’Ukraine. L’Ukraine ne me quitte plus puisque j’y pense tout le temps, ou presque, que j’informe sans cesse sur ce pays et parce qu’une tristesse sourde et profonde s’est installée en moi. Mais je suis aussi portée par l’élan patriotique ukrainien et très admirative de l’effort de guerre, militaire et civil. J’ai pu observer une initiative bénévole d’aide médical aux soldats dans la région de Lviv lors de mon premier voyage après l’invasion fin avril/début mai et j’ai été frappée, comme au moment de Maïdan et dans les années qui suivirent par l’inventivité et la détermination des Ukrainiens à transformer leur pays et à exprimer de multiples formes d’entre-aide et de solidarité. J’ai aussi poursuivi mes recherches sur la mémorialisation et la muséification de la guerre en allant visiter une exposition sur la guerre en cours au musée de la Seconde guerre mondiale à Kiev au début du mois de novembre. J’ai mené des entretiens avec des directeurs de musée pour mieux comprendre quelles étaient leurs représentations de la guerre mais aussi comment la guerre avait transformé leurs activités professionnelles. Une recherche qui bien que tragique n’en est pas moins très enrichissante. J’essaye, à ma manière et par cette recherche, d’accompagner l’Ukraine dans ce moment difficile.

Cet ouvrage représente ainsi pour moi une sorte d’hommage à l’Ukraine parce que ce pays m’a non seulement enrichie personnellement mais il a enrichi mes recherches et je pense celles de nombreux de mes collègues. Ce livre m’a soutenu, m’a accompagné depuis le début de l’invasion et je suis sûre qu’il continuera à le faire dans les prochains mois. C’est aussi pour cela que je suis fière que le prix « Nathalie Pasternak » lui soit décerné et qu’il s’inscrive ainsi de plein pied dans les études ukrainiennes en France.

Merci pour votre attention et pour votre soutien.                                          

Paris, le 28/11/2022

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29 novembre 2022 2 29 /11 /novembre /2022 10:28

L’Association Perspective Ukrainiennes avec le soutien de l’Ambassade d’Ukraine en France, a organisé le 28 novembre 2022 une cérémonie de remise de Prix de Nathalie Pasternak 2021/2022. L’événement a eu lieu dans les locaux du Centre Culturel de l’Ambassade d’Ukraine en France, en présence des représentants du groupe d’amitié Ukraine-France au Sénat, du corps diplomatique ukrainien en France, ainsi que des élus, des membres de la société civile, des journalistes et des anciens lauréats.

 

Cette année le prix de Nathalie Pasternak est remis à Alexandra Goujon, maître de conférences à l’Université de Bourgogne, pour son livre « L’Ukraine : de l’indépendance à la guerre » édité par le Cavalier Bleu.

 

Alexandra Goujon, lauréate du prix Nathalie Pasternak 2021-2022, Lessya Darricau-Dmytrenko, présidente de Perspectives ukrainiennes

Jusqu’à récemment l‘Ukraine restait une terra incognita en France, comme tant d’autres pays de l’Europe centrale et orientale, éclipsés par une Russie fantasmée. Depuis la révolution Orange, la révolution de Dignité et le début de la guerre, un nombre d’intervenants dans l’espace publique français informent ou désinforment le public et les décideurs au sujet de l’Ukraine. Alexandra Goujon, avec son regard de l’universitaire et scientifique, expert et analyste très fin décortique les sources des idées reçues les plus répandues sur l’Ukraine et donne les clés de leur compréhension. Ainsi son livre a un double avantage : faire découvrir davantage l’Ukraine et combattre la désinformation.

 

L’association Perspectives Ukrainiennes salue le travail réalisé sur le livre « L’Ukraine : de l’indépendance à la guerre », ainsi que l’ensemble de l’œuvre d’Alexandra Goujon.

 

Cet événement, organisé chaque année maintenant depuis 2010, est une occasion pour l’association Perspectives Ukrainiennes de soutenir et promouvoir des personnalités dont les œuvres et initiatives contribuent à faire connaître l’Ukraine en France et renforcer les liens existants entre les deux pays.

 

L’association de loi 1901 Perspectives Ukrainiennes existe depuis 2008 et remet des prix depuis 2010 aux personnalités dont le travail contribue à la meilleure compréhension de l’Ukraine en France.  Le Prix de Natalie Pasternak porte le nom de celle qui a disparue il y a sept ans et qui a joué un rôle inestimable pour la connaissance de l’Ukraine en France et le soutien à la révolution de la Dignité. Elle a semé un esprit et une énergie qui sont toujours présents parmi nous. Dans le choix d’attribuer son nom au prix de Perspectives Ukrainiennes nous souhaitons contribuer à maintenir vivant son souvenir, cette énergie et cet esprit.

Voir aussi communiqué de presse.

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15 avril 2020 3 15 /04 /avril /2020 11:54

Nous avons l’immense tristesse de vous faire part de la disparition du lauréat du Prix Nathalie Pasternak 2017/2018, Laurent Chamontin.

 

Polytechnicien, professeur associé de géopolitique à l’ESCE, membre du conseil scientifique du Diploweb, écrivain, ancien cadre de Kryvorijstal, Laurent a permis par son travail d’apporter une connaissance plus éclairée de la géopolitique de l’Europe de l’est et de l’Ukraine en particulier.

 

Nous ne pouvons que conseiller ses livres « L’Empire sans limites – pouvoir et société dans le monde russe » et « Ukraine et Russie : pour comprendre. Retour à Marioupol » ainsi que ses articles. C’était l’esprit éclairé et spirituel, qui savait ne pas se prendre au sérieux pour vulgariser la science. C’est ainsi qu’il a été pendant plusieurs années et jusqu’au bout le modérateur de groupe « L’Europe de l’est sans blagues » sur Facebook. Puisque face aux non-sens du monde qui accélère le rire peut être salvateur. Hélas, il n’a pu rien face à une maladie.

 

La disparition de Laurent laisse endeuillés de nombreux amis en Ukraine, en France et au-delà.

 

Nous nous associons à la douleur de ses proches et pleurons cette immense perte pour l’humanisme.

 

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10 juin 2018 7 10 /06 /juin /2018 08:27

Communique de presse

 

Diplome 2017/2018

Remise du Prix Nathalie Pasternak 2017/2018

 

Paris, le 8 juin 2018

par Denys Kolesnyk

 

Le 7 juin 2018 l’association Perspectives Ukrainiennes a remis le Prix Nathalie Pasternak 2017/2018 à Monsieur Laurent CHAMONTIN pour son ouvrage « Ukraine et Russie : pour comprendre » et pour l’ensemble de son œuvre pour améliorer la connaissance de l’Ukraine en France. La cérémonie a eu lieu au Sénat sous le patronage du groupe d’amitié France-Ukraine, représenté par Mesdames les sénatrices Nathalie GOULET, Nadia SOLLOGOUB, Michèle VULLIEN, monsieur le sénateur Jean-François LONGEOT.

 

La cérémonie a débuté avec un discours de la part de Madame la sénatrice, qui a été suivie par le discours de Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur d’Ukraine Oleg SHAMSHUR. Puis la parole a été pris par le lauréat Monsieur Laurent CHAMONTIN et la partie officielle s’est terminée par un discours du président de l’association Philippe DE LARA et une remise de Prix et un cadeau. La cérémonie a réuni des élus, des membres de la société civile, des journalistes ainsi que des anciens lauréats.

 

Remise de prix par Philippe de LARA à Laurent CHAMONTIN

L’association de loi 1901 Perspectives ukrainiennes existe depuis 2008 et remet des prix depuis 2010 aux personnalités dont le travail contribue à la meilleure compréhension de l’Ukraine en France.  Cette année, le prix porte pour la première fois le nom de Nathalie Pasternak, présidente du Comité Représentatif de la Communauté Ukrainienne de France (CRCUF).  Natalie Pasternak, prématurément disparue il y a deux ans qui a joué un rôle inestimable pour la connaissance de l’Ukraine en France et le soutien à la révolution de la Dignité, elle a semé un esprit et une énergie qui sont toujours présent parmi nous. Donner son nom au prix de Perspectives Ukrainiennes contribuera à maintenir vivant son souvenir, cette énergie et cet esprit. Elle a su non seulement porter efficacement la cause ukrainienne, mais faire comprendre et aimer ce pays souvent mal connu et mal compris en Occident, faire reconnaître ses malheurs passés et présent, mais aussi sa grandeur, la richesse de sa culture, les liens profonds qui unissent l’Ukraine à la civilisation européenne.

Discours de Philippe de Lara

Discours de Laurent Chamontin

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