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14 avril 2015 2 14 /04 /avril /2015 09:58
Cyril Horiszny présente la BD "Héros malgré lui"
Cyril Horiszny présente la BD "Héros malgré lui"

Français, d’origine ukrainienne, ses grands-parents ont quitté l’Ouest de l’Ukraine dans les années 1930 pour chercher du travail en France. Après un DEA d’histoire sur les dissidents ukrainiens et des recherches en Amérique du Nord, Cyril Horiszny est parti travailler en Ukraine. Il enseigne d’abord le français à l’Université catholique de Lviv, puis dirige pendant deux ans le centre français de Lviv. En même temps il commence à photographier l’Ukraine de long en large et à exposer son travail en Europe. A la fin de son contrat pour l’ambassade de France, il souhaite rester en Ukraine, où il a vécu entre temps la «Révolution orange», Cyril Horiszny veut donc continuer de témoigner en tant que photojournaliste sur un pays en construction. Quelques années plus tard, il crée la maison d’édition «Léopol», qui en français ancien signifie «Lviv», sa ville d’adoption. En 2014, Léopol publie un roman graphique selon un œuvre du classique de la littérature ukrainienne Ivan Franko – « Héros malgré lui ». Perspectives Ukrainiennes a rencontré Cyril à cette occasion.


Comment l'idée de créer la maison d'édition est apparue?
J’ai travaillé pendant cinq ans pour la presse internationale. Un jour, le journal «Newsweek» a commandé à l’agence française qui représente mon travail, des photos d’«Ukrainiens tristes». Je ne voulais pas être complice de cette mascarade, de cette logique malsaine qui consiste à montrer les aspects les plus misérabilistes et sensationnels d’un pays, pour espérer vendre mes photos. Par ailleurs, le photojournalisme ne se porte pas très bien depuis quelques temps. Pour montrer des projets photos plus personnels, j’ai donc mis l’accent sur les expositions et j’ai crée ma propre maison d’édition pour diffuser mon travail autrement, mais également celui d’autres auteurs issus de différents champs de l’art et du savoir. Cette confrontation des regards et des disciplines est devenue une source d’inspiration importante pour donner une image plus profonde du pays de mes grands-parents, à l’aide d’historiens, d’écrivains, de dessinateurs, de photographes. Par ailleurs, je suis revenu a mes premiers amours, l’histoire... l’histoire d’un pays encore largement méconnue par les Ukrainiens eux-mêmes ! Notre but est de mettre en valeur et de populariser le patrimoine historico-culturel de l’Ukraine à travers des publications esthétiques, alliant textes et images.


Pourquoi publier une BD?
La BD est un genre quasiment inexistant en Ukraine, on l’associe le plus souvent au journal communiste français «Pif et Hercules» chez ceux qui ont connu l’Union soviétique, ou bien aux «comics » américains et à leurs super-héros. Les références aux BD avant-gardistes européennes sont encore rares, faute de repères. Personnellement, je suis un lecteur de BD, sans être un fanatique. Dans mon optique, elle permet surtout de populariser l’histoire et la culture. D’un point de vue commercial, il s’agit d’un genre novateur pour l’Ukraine, malgré la présence sur le marché de quelques BD ukrainiennes qui se comptent sur les doigts de la main. Enfin, ma rencontre il y a 10 ans avec l’auteur des dessins de notre première BD, Mikhaï Tymochenko, a joué un rôle important. Venu de Roumanie, il a terminé l’Académie des Beaux Arts de Lviv et son talent m’a tout de suite interpellé.


Pourquoi vous avez choisi Franko et "Héros malgré lui"?
Tout d’abord parce qu'en grandissant dans la diaspora ukrainienne, on m’a appris à aimer Franko et Chevchenko, sans même que je puisse les lire, à cause de la barrière de la langue. Lorsque mon niveau d’ukrainien me l’a permis, je suis parti à la découverte de leurs textes et de leur pensée, à travers des paves soviétiques ou des livres post-soviétiques pas très esthétiques. L’œuvre de Franko se déroule entre autres en Galicie, la région où j’habite et que je connais le mieux en Ukraine. Et puis ses valeurs universelles m’ont tout de suite séduit. Les soviétiques le considéraient comme chantre de la lutte des classes et du communisme, les nationalistes ukrainiens comme le chantre de leur idée nationale. Franko deviendra au cours de sa vie un ardent défenseur de l’Ukraine libre, mais ce qui est au cœur de son œuvre, c’est l’homme.
Enfin, face à l’absence de culture de la BD en Ukraine, j’ai choisi un auteur culte, pour attirer l’attention d’un public néophyte, de même qu’un thème populaire: la ville très touristique de Lviv et son mythique passé autrichien. L’action se déroule pendant la Révolution du «Printemps des Peuples» qui a traversé l’Europe en 1848. Le thème de la révolution a également pesé dans la balance puisqu’il est très visuel. Ce que l’on ignorait en débutant ce projet il y a 3 ans, c’est que l’on vivrait nous-même une nouvelle révolution, à Maïdan, puis la guerre dans l’Est de l’Ukraine. Des parallèles et des valeurs communes s’imposent au lecteur, malgré plus de 150 ans qui séparent ces événements... à commencer par la lutte pour la liberté, pour l’indépendance d’un pays, mais également la solidarité entre révolutionnaires. Le héros principal, Stepan Kalynovych, est plutôt un antihéros à la base, il sort de l’ordinaire et du format classique du super héros. Enfin, j’ai choisi l’un des romans d’Ivan Franko les moins connus, pour surprendre un peu plus le public.


Comment le public ukrainien a accueilli le livre? Il y a-t-il de l'avenir pour BD en Ukraine?
Le plus souvent, les lecteurs découvrent cette œuvre de Franko, ce qui confirme mes soupçons... Au-delà du programme scolaire, les Ukrainiens ne connaissent pas bien encore leurs auteurs classiques. Cela dit en France, ma génération se souviendra surtout de «Germinal» mais ne retiendra pas grand-chose d’autre. Le public est également surpris je pense de réaliser qu’un Français et un Roumain portent autant d’attention à la culture ukrainienne. Nous avons préservé dans la BD la langue originale de Franko, c’est une belle récompense lorsque les lecteurs, jeunes ou moins jeunes, nous confient qu’ils ont lu le livre d’une traite et attendent avec impatience le tome 2. Je ne crois pas qu’ils auraient eu le courage de lire Franko dans les livres soviétiques que j’ai cités précédemment. «Chaque grenouille vante son marais» dit-on en ukrainien, mais nous sommes contents de constater que des journaux de référence à Kiev mettent en lumière notre travail.


Difficile de prédire l’avenir de la BD en Ukraine. Tout dépend de ce que l’on montre. Les Ukrainiens sont en quête d’autorités morales, de héros, d’autant plus dans un période aussi sombre pour l’Ukraine. Ils trouvent un certain apaisement à travers l’image de Tarass Chevchenko, ou celle des Cosaques... il s’agit la certainement des thèmes les plus populaires pour le public ukrainien. Mais cette culture abrite tant de trésors encore inexploités, et il y a tant d’artistes talentueux, qu’il y a fort à parier que la BD va se développer, à condition de trouver la bonne formule. Une chose est sure, la nouvelle génération d’Ukrainiens voit dans ce genre un produit venu de l’Ouest, synonyme de nouveauté et de modernité.
Où on peut l'acheter en France?
Le «Club littéraire ukrainien de Paris» nous a proposé d’organiser une présentation, ce que nous accepterons avec plaisir, des que nous serons de passage à Paris. En attendant, le livre est en vente en France (envoi par «la Poste»). Pour cela, il suffit de nous écrire a l’adresse suivante : mail@leopol.net ou de contacter Genia, la représentante des éditions Leopol en France, au 0667341488. Nous vous donnerons tous les détails.


Quels sont vos projets à venir?
Cette première BD nous a permis de développer notre réseau de distribution, de faire parler des éditions « Leopol », et sera je l’espère, un tremplin vers la création d’autres BD sur l’Ukraine, mais également de livres photos. En parallèle de mon exposition photo sur le village houtsoul de Kosmach dans les Carpates, je prépare depuis des années un livre à ce sujet. Mais notre prochain livre sera en principe consacré aux Carpates dans les années 1920-30 à travers le regard d’un photographe ukrainien très talentueux et encore méconnu, Mykola Senkovsky. Enfin, nous préparons avec l’historien ukrainien de renom, Yaroslav Hrytsak, une brève histoire illustrée de l’Ukraine, que l’on espère traduire dans plusieurs langues, y-compris en français. En ce qui concerne mes projets photo, j’exposerai en juin prochain dans la région Languedoc-Roussillon mes séries «Houtsuly – Peuple des Carpates» et «Les Ukrainiens – Entre Est et Ouest ».


Editions Leopol : www.leopol.net
Photographies de Cyril Horiszny : www.kyrylo.c
om

Propos recueillis par Olena Codet

Les co-auteurs: Cyril Horiszny, Mikhaï Tymochenko et Ivan Franko

Les co-auteurs: Cyril Horiszny, Mikhaï Tymochenko et Ivan Franko

BD "Héros malgré lui", éditions Léopol

BD "Héros malgré lui", éditions Léopol

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